N° 23PA03881
N° 23PA03883
N° 23PA03895
ASSOCIATION NOTRE AFFAIRE A TOUS ASSOCIATION POLLINIS
ASSOCIATION BIODIVERSITE SOUS NOS PIEDS
ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES TRUITE-OMBRE-SAUMON
ASSOCIATION POUR LA PROTECTION DES ANIMAUX SAUVAGES ET DU PATRIMOINE NATUREL
MINISTRE DE L’AGRICULTURE
M. Philippe Delage Président
Mme Marianne Julliard Rapporteure
Mme Gaëlle Dégardin Rapporteure publique
Audience du 6 juin 2025
Décision du 3 septembre 2025
C+

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d'appel de Paris
(3ème Chambre)

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Les associations Notre Affaire à Tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS) et l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS) ont demandé au Tribunal administratif de Paris, d’une part, de condamner l’Etat à réparer le préjudice écologique causé par ses carences et insuffisances en matière d’évaluation des risques, d’autorisation de mise sur le marché, de suivi et surveillance des produits phytopharmaceutiques, et de protection de la biodiversité contre les effets de ces produits, d’autre part, de condamner l’Etat au versement d’un euro symbolique à chacune d’elles en réparation de leur préjudice moral, enfin, d’enjoindre à l’État de mettre un terme à l’ensemble des manquements à ses obligations en matière d’évaluation et d’autorisation de produits phytopharmaceutiques et de protection de la biodiversité contre les effets des pesticides et de prendre toutes les mesures utiles de nature à faire cesser le préjudice écologique en résultant dans le délai le plus court possible.

Par un jugement n° 2200534 du 29 juin 2023, le Tribunal administratif de Paris, d’une part, a enjoint à la Première ministre et aux ministres compétents de prendre, avant le 30 juin 2024, toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l’aggravation des dommages en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto et en prenant toutes mesures utiles en vue de restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques et en particulier contre les risques de pollution, d’autre part, a condamné l’État à verser aux associations Notre Affaire à Tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, à l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS) et à l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS) la somme d’un euro chacune en réparation de leur préjudice moral, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

I.

Par une requête sommaire, enregistrée sous le n° 23PA03881, le 29 août 2023, un mémoire complémentaire enregistré le 21 novembre 2023, et des mémoires en réplique enregistrés le 19 juillet 2024 et le 2 décembre 2024, Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds et l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), représentées par Me Daoud, demandent à la Cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement du 29 juin 2023 du Tribunal administratif de Paris en ce qu’il a rejeté leurs conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’Etat de revoir le processus d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques en conformité avec les exigences de protection de l’environnement issues du droit de l’Union européenne, de la Charte de l’environnement et de la loi ;

2°) de faire droit à l’ensemble de leurs conclusions de première instance ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir le Cour de Justice de l’Union européenne de questions préjudicielles et de surseoir à statuer sur leur requête ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques mise en place par l’Etat est entachée d’insuffisances au regard des obligations découlant des articles 28 à 54 du règlement n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 et des articles L. 253-1 et R. 253-5 et suivants du code rural et de la pêche maritime ; l’évaluation conduite par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) est lacunaire et conduit à mettre et maintenir sur le marché des produits phytopharmaceutiques présentant un effet inacceptable pour l’environnement ; elle méconnaît également les principes issus de la Charte de l’environnement et notamment le principe de précaution, le droit à un environnement sain et le droit des générations futures ; ces lacunes engagent la responsabilité de l’Etat ;

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- la réalité du préjudice écologique tel que défini à l’article 1247 du code civil est établi ; l’article 1246 de ce code n’exemple pas les personnes publiques de leur responsabilité dans la réparation de ce préjudice devant le juge administratif ;

- le lien de causalité entre la procédure défaillante d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et la survenance du préjudice écologique ou son aggravation est direct et certain quand bien même elle n’en constitue pas l’unique cause ;

- elles sont en conséquence fondées à solliciter le prononcé d’une injonction tendant à ce que les autorités compétentes révisent le processus d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et réexaminent toutes les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques déjà délivrées.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2024, la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 3 mai 2024, 22 octobre 2024 et 13 février 2025, le syndicat Phyteis, représenté par Me Nigri, conclut aux mêmes fins que la ministre de l’agriculture.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II.

Par une requête sommaire, enregistrée sous le n° 23PA03883, le 29 août 2023, un mémoire complémentaire enregistré le 20 novembre 2023, et des mémoires en réplique enregistrés le 19 juillet 2024 et le 2 décembre 2024, Pollinis et l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS), représentées par Me Capdebos, demandent à la Cour dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de réformer le jugement du 29 juin 2023 du Tribunal administratif de Paris en ce qu’il a rejeté leurs conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’Etat de revoir le processus d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques en conformité avec les exigences de protection de l’environnement issues du droit de l’Union européenne, de la Charte de l’environnement et de la loi ;

2°) de faire droit à l’ensemble de leurs conclusions de première instance ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir le Cour de Justice de l’Union européenne de questions préjudicielles et de surseoir à statuer sur leur requête ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Page 3

Elles soutiennent que :

- la procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques mise en place par l’Etat est entachée d’insuffisances au regard des obligations découlant des articles 28 à 54 du règlement n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 et des articles L. 253-1 et R. 253-5 et suivants du code rural et de la pêche maritime ; l’évaluation conduite par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) est lacunaire et conduit à mettre et maintenir sur le marché des produits phytopharmaceutiques présentant un effet inacceptable pour l’environnement ; elle méconnaît également les principes issus de la Charte de l’environnement et notamment le principe de précaution, le droit à un environnement sain et le droit des générations futures ; ces lacunes engagent la responsabilité de l’Etat ;

- la réalité du préjudice écologique tel que défini à l’article 1247 du code civil est établi ; l’article 1246 de ce code n’exempte pas les personnes publiques de leur responsabilité dans la réparation de ce préjudice devant le juge administratif ;

- le lien de causalité entre la procédure défaillante d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et la survenance du préjudice écologique ou à son aggravation est direct et certain quand bien même elle n’en constitue not l’unique cause ;

- elles sont en conséquence fondées à solliciter le prononcé d’une injonction tendant à ce que les autorités compétentes révisent le processus d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et réexaminent toutes les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques déjà délivrées.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2024, la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 3 mai 2024, 22 octobre 2024 et 13 février 2025, le syndicat Phyteis, représenté par Me Nigri, conclut aux mêmes fins que le ministre de l’agriculture.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

III.

Par une requête, enregistrée sous le n° 23PA03895, le 30 août 2023, la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du 29 juin 2023 du Tribunal administratif de Paris en tant qu’il a condamné l’Etat à verser aux associations Notre Affaire à Tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, à l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-saumon (ANPER-TOS) et à l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS) la somme d’un euro chacune en réparation de leur préjudice moral et prononcé une mesure d’injonction à l’encontre de la Première Ministre et des ministres compétents ;

2°) de rejeter les demandes présentées par les associations requérantes devant le Tribunal administratif de Paris.

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Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal a communiqué aux parties le 12 juin 2023 la note en délibéré produite par le syndicat professionnel Phyteis le 5 juin 2023, sans renvoyer l’affaire à une autre audience ; dès lors que son appel conclut à une annulation partielle du jugement attaqué, l’irrégularité de ce dernier doit conduire à son annulation partielle ;

- le jugement attaqué est entaché d’insuffisances de motivation ;

- aucune faute de l'Etat tirée de la méconnaissance de l’objectif de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques ne peut être retenue dès lors que les objectifs fixés par les plans Ecophyto n’ont pas de portée contraignante, que leurs objectifs n’ont pas été méconnus et que la procédure d’évaluation et d’autorisation de ces produits est entièrement régie par le droit de l’Union européenne ;

- la carence alléguée de l'Etat n’a pas directement causé le préjudice écologique consistant en la contamination des sols et des eaux, le déclin de la biodiversité et de la biomasse, qui ont des causes multiples.

Par des mémoires en défense enregistrés le 29 février 2024, le 19 juillet 2024 et le 2 décembre 2024, Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds et l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), représentées par Me Daoud, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué n’est pas entaché des irrégularités alléguées ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 29 février 2024, le 19 juillet 2024 et le 2 décembre 2024, Pollinis et l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS), représentées par Me Capdebos, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué n’est pas entaché des irrégularités alléguées ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en intervention enregistrés le 3 mai 2024, le 22 octobre 2024 et le 13 février 2025, le syndicat Phyteis, représenté par Me Nigri, conclut aux mêmes fins que la requête de la ministre de l’agriculture.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d’insuffisances de motivation ;

- aucune faute de l'Etat tirée de la méconnaissance de l’objectif de réduction de l’usage des produits phytopharmaceutiques ne peut être retenue dès lors que les objectifs fixés par les plans Ecophyto n’ont pas de portée contraignante, que leurs objectifs n’ont pas été méconnus et que la procédure d’évaluation et d’autorisation de ces produits is entièrement régie par le droit de l’Union européenne ;

- la carence alléguée de l'Etat n’a pas directement causé le préjudice écologique consistant en la contamination des sols et des eaux, le déclin de la biodiversité et de la biomasse, qui a des causes multiples.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule ;

- le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

- le règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ;

- le règlement (UE) n° 546/2011 de la Commission du 10 juin 2011 portant application du règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les principes uniformes d'évaluation et d'autorisation des produits phytopharmaceutiques ;

- le règlement (UE) n°284/2013 de la Commission du 1er mars 2013 établissant les exigences en matière de données applicables aux produits phytopharmaceutiques, conformément au règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques ;

- la directive n°2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ;

- la directive 2008/105/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l'eau, modifiant et abrogeant les directives du Conseil 82/176/CEE, 83/513/CEE, 84/156/CEE, 84/491/CEE, 86/280/CEE et modifiant la directive 2000/60/CE ;

- la directive n°2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable ;

- le code civil ;

- le code de l’environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2020-881 QPC du 5 février 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- les observations de Me Lecourt, représentant Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds et l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS),

- les observations de Me Capdebos, représentant Pollinis et l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS),

- les observations de Me Nigri, représentant le syndicat Phyteis,

- et les observations de Mme Naudeix, représentant la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Connaissance prise des notes en délibéré enregistrées le 16 juin 2025 présentées par le syndicat Phyteis dans les instances n°23PA03881 23PA03883 et 23PA03895.

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Connaissance prise des notes en délibéré enregistrées le 13 août 2025 présentées par la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire dans les instances n°23PA03881 et 23PA03883.

Considérant ce qui suit :

1. Les associations Notre Affaire à Tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS) et l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS) ont demandé au Tribunal administratif de Paris, d’une part, de condamner l’Etat à réparer le préjudice écologique causé par ses carences et insuffisances en matière d’évaluation des risques, d’autorisation de mise sur le marché, de suivi et surveillance des produits phytopharmaceutiques et de protection de la biodiversité contre les effets de ces produits, d’autre part, de condamner l’Etat au versement d’un euro symbolique à chacune d’elles en réparation de leur préjudice moral, enfin, d’enjoindre à l’État de mettre un terme à l’ensemble des manquements à ses obligations en matière d’évaluation et d’autorisation de produits phytopharmaceutiques et de protection de la biodiversité contre les effets des pesticides et de prendre toutes les mesures utiles de nature à faire cesser le préjudice écologique en résultant dans le délai le plus court possible. Par un jugement du 29 juin 2023, le tribunal a enjoint à la Première ministre et aux ministres compétents de prendre, avant le 30 juin 2024, toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l’aggravation des dommages en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto et en prenant toutes mesures utiles en vue de restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques et, en particulier, contre les risques de pollution, a condamné l’État à verser aux associations requérantes la somme d’un euro chacune en réparation de leur préjudice moral, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de leur requête. Les associations Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds et l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), d’une part, les associations Pollinis et l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS), d’autre part, ainsi que le ministre de l’agriculture, relèvent appel de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les trois requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur les interventions du syndicat Phyteis :

3. Le syndicat professionnel Phyteis, qui regroupe des sociétés assurant la recherche, le développement, la fabrication et la vente de produits phytopharmaceutiques et a notamment pour objet de représenter les intérêts de la profession devant les tribunaux, justifie d’un intérêt suffisant à intervenir au soutien des conclusions présentées par le ministre de l’agriculture dans les trois requêtes susvisées. Ses interventions sont en conséquence recevables.

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Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : « Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ».

5. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu’il décide de verser au contradictoire après la clôture de l’instruction un mémoire qui a été produit par les parties avant ou après celle-ci, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Il lui appartient dans tous les cas de clore l’instruction ainsi rouverte et, le cas échéant, de fixer une nouvelle date d’audience.

6. Il ressort du dossier de première instance que le tribunal a communiqué à l’ensemble des parties, à l’issue de l’audience du 1er juin 2023, une note en délibéré produite le 5 juin 2023 par le syndicat Phyteis. Il doit ainsi être regardé comme ayant rouvert l’instruction close par ordonnance le 12 mai 2023. Toutefois, la poursuite du débat contradictoire n’a pas donné lieu, au terme de cette instruction, à la tenue d’une nouvelle audience. La ministre de l’agriculture est en conséquence fondée à soutenir que le jugement rendu le 29 juin 2023 a été rendu au terme d’une procédure irrégulière. Par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer les autres moyens relatifs à l’irrégularité du jugement attaqué, il y a lieu d’annuler ce jugement en tant qu’il a condamné l’Etat à verser aux associations requérantes la somme d’un euro chacune en réparation de leur préjudice moral et prononcé une mesure d’injonction à l’encontre de la Première Ministre et des ministres compétents, de statuer par la voie de l’évocation dans la limite des conclusions précitées de la ministre de l’agriculture et, par la voie de l’effet dévolutif, sur les conclusions des associations appelantes.

Sur les fins de non-recevoir opposées aux requêtes des associations :

7. Aux termes de l’article 1246 du code civil : « Toute personne responsable d'un préjudice écologique est tenue de le réparer. ». En vertu de l’article 1247 du même code, le préjudice écologique consiste en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement. L’article 1248 de ce code dispose que : « L'action en réparation du préjudice écologique est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que l'Etat, l'Office français de la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d'introduction de l'instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l'environnement. ». Enfin, aux termes de l’article L. 142-1 du code de l’environnement : « Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. (...) ».

8. Par la décision QPC du 5 février 2021 susvisée, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions précitées, dont il a jugé qu’elles avaient été adoptées pour mettre en œuvre l'article 4 de la Charte de l'environnement, selon lequel « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi ».

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9. En premier lieu, si ces dispositions ne prévoient pas expressément que la voie d'action en réparation du préjudice écologique qu’elles instaurent est ouverte contre l’Etat, elles n’excluent pas que ce dernier puisse être regardé comme responsable de ce préjudice au sens de l’article 1246 de ce code, qui fait mention, de même que l’article 4 de la Charte de l’environnement, de « toute personne ». Par suite, une telle action contre l’administration est recevable, sur le fondement des dispositions du code civil, devant le juge administratif.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers que les associations Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds, l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), Pollinis et l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS) ont pour objet social la protection de l’environnement et de la biodiversité. Au surplus, ces associations, à l’exception de Biodiversité sous nos pieds, avaient été créées depuis au moins cinq ans à la date du 10 janvier 2022. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir des associations requérantes, doit être écartée.

11. En troisième lieu, il résulte de l’instruction qu’une première demande indemnitaire préalable a été adressée au Premier ministre et aux membres du gouvernement par les associations Notre affaire à tous et Pollinis le 8 septembre 2021 et que par des courriers des 8 novembre 2021 et 13 janvier 2022, les associations Biodiversité sous nos pieds ANPER-TOS et ASPAS se sont jointes à la demande des associations Notre affaire à tous et Pollinis. Ces demandes préalables tendaient à la réparation des préjudices résultant des carences fautives de l’État en matière de protection de la biodiversité et de régulation des produits phytopharmaceutiques. Par suite, le contentieux indemnitaire doit être regardé comme lié, alors même que les courriers de réclamation préalable présentés par l’avocat des associations ne revêtent pas la signature des représentants de celles-ci et que ces réclamations ne feraient pas précisément état de l’ensemble des fautes de l’Etat invoquées dans les requêtes présentées devant le tribunal.

Sur le préjudice écologique :

12. Les associations requérantes font valoir que la France se situe au neuvième rang européen pour l’utilisation des pesticides, avec 3,7 kg par hectare et que, répandus de façon répétée sur les sols dans lesquels ils se fixent, les produits phytopharmaceutiques sont également transportés par voie atmosphérique, qu’ils sont entraînés par lixiviation et ruissellement et s’infiltrent dans les eaux souterraines, de sorte que la pollution par ces substances actives présente un caractère généralisé, chronique et durable et représente une atteinte non négligeable aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement. Selon elles, cette pollution agrochimique a le caractère d’un préjudice écologique au sens des dispositions précitées de l’article 1247 du code civil.

En ce qui concerne l’atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes :

S’agissant de la contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les produits phytopharmaceutiques :

13. En premier lieu, en ce qui concerne la contamination des eaux, il ressort des données rendues publiques en 2019 et 2020 par le ministère chargé de la transition écologique que si l’indice pesticides a baissé d’environ 20% depuis 2008, les substances actives des produits phytopharmaceutiques demeurent largement présentes dans les cours d’eau comme les masses d’eau souterraines. La fiche « Pesticides en mélange dans les rivières : des risques écotoxiques élevés », publiée en 2019 sur le site du ministère, conclut que « 29 des 55 bassins versants [du pays] montrent plus de 80 % de points de mesure avec des échantillons en niveau de risque [écotoxique] inacceptable » et la fiche « Exposition des rivières aux pesticides entre 2015 et 2017 », publiée la même année, indique que « plus de 25% des points de mesure [de l’étude] dépassent régulièrement le seuil réglementaire de 0,1 microgramme/litre sur un ou plusieurs échantillons d’eau ».

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14. En second lieu, en ce qui concerne la contamination des sols, les associations requérantes se prévalent d’une étude française publiée en septembre 2020 dans la revue Agriculture, Ecosystems and Environment, selon laquelle des sols censés être exempts de substances de synthèse présentent une concentration importante de pesticides, un mélange d’au moins un insecticide, un herbicide et un fongicide ayant contaminé 90% des terrains étudiés et 54% des vers de terre testés « à un niveau tel qu’il est de nature à mettre en danger l’ensemble des organismes du sol ». Il ressort également du rapport d’expertise scientifique de septembre 2022 produit par les associations et réalisé conjointement par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) une présence de pesticides dans la très grande majorité des sols, particulièrement des sols agricoles utilisés en agriculture conventionnelle et une persistance de certains pesticides malgré leur interdiction, telle que le chlordécone aux Antilles ou des résidus de lindane en métropole, du fait de leur faible mobilité et de leur longue période de dégradation.

15. Dans ces conditions, et en l’absence de toute contestation du ministère de l’agriculture sur ce point, l’atteinte non négligeable aux éléments des écosystèmes, invoquée par les associations requérantes, résultant de la contamination généralisée, diffuse, chronique et durable des eaux et des sols par les substances actives de produits phytopharmaceutiques, doit être regardée comme établie.

S’agissant du déclin de la biodiversité et de la biomasse :

16. En premier lieu, les associations requérantes soutiennent que l’utilisation de produits phytopharmaceutiques est à l’origine du déclin de la biodiversité. Elles se fondent notamment sur le rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui publie chaque année une « liste rouge » d’espèces animales menacées de disparition parmi lesquelles l’anguille européenne et le chevesne catalan, « exposé[s] à de nombreux polluants et pesticides qui fragilisent [leurs] défenses immunitaires », la crocidure leucode, le campagnol amphibie, la pipistrelle, et d’autres espèces insectivores dont les ressources alimentaires sont réduites « par l’usage important de pesticides », et la persistance dans les eaux et les sols de substances actives de produits phytopharmaceutiques. En outre, il ressort du rapport précité de l’INRAE et de l’IFREMER « que les produits phytopharmaceutiques sont, dans les zones agricoles, une des causes principales du déclin des invertébrés terrestres, dont des insectes pollinisateurs et des prédateurs de ravageurs (coccinelles, carabes…), ainsi que des oiseaux ». Ce constat résulte également du plan ministériel Stratégie Ecophyto 2030 qui relève que l’utilisation des pesticides est un des facteurs directs de l’érosion de la biodiversité, en particulier des pollinisateurs, et fait par ailleurs l’objet d’un consensus à l’échelle européenne, la Commission européenne identifiant l’utilisation des pesticides comme « un facteur important » du déclin des écosystèmes agricoles, et notamment de la baisse du nombre d’oiseaux et des populations d’insectes.

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17. En second lieu, les associations requérantes soutiennent que l’utilisation de produits phytopharmaceutiques est à l’origine du déclin de la biomasse et particulièrement de l’entomofaune. Si elles admettent à cet égard qu’« il n’existe pas d’étude globale [en France] sur les connaissances relatives à l’état et aux tendances des communautés d’insectes et plus précisément sur la disparition de la biomasse », elles produisent plusieurs études scientifiques soulignant le déclin général des insectes en Europe, particulièrement les pollinisateurs comme les abeilles sauvages et domestiques. A cet égard, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) constate, dans une note du mois de décembre 2021, que « le déclin des insectes est un phénomène complexe, difficile à évaluer, mais qui fait néanmoins l’objet d’un consensus scientifique. Actuellement, 41% des espèces seraient concernées et 31% seraient menacées d’extinction dans le monde, avec une perte de l’ordre de 1% des espèces par an » et que « les pesticides (insecticides, herbicides, fongicides) ont une responsabilité particulièrement importante » dans ce phénomène. Il ressort en effet de ces études, comme le résume le rapport d’information parlementaire sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques du 4 avril 2018 mentionné par les associations requérantes, que l’emploi de produits phytopharmaceutiques engendre « la destruction directe des insectes par des usages massifs d’insecticides [et] la réduction drastique des ressources florales sauvages (la flore adventice) dont se nourrissent les insectes par usage d’herbicides ».

18. Dans ces conditions, et en l’absence de toute contestation du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire sur ce point, l’atteinte non négligeable aux éléments des écosystèmes invoquée par les associations requérantes, résultant de la diminution de la biodiversité et de la biomasse en raison de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, doit être regardée comme établie.

En ce qui concerne l’atteinte non négligeable aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement :

19. L’atteinte aux bénéfices tirés par l’homme de l’environnement s’entend tant de l’altération et de la diminution des ressources qu’il tire de ce dernier que de l’atteinte à la santé des populations dépendante d’un environnement sain.

20. D’une part, les associations requérantes soutiennent sans être contredites que « les insectes rendent de nombreux services écosystémiques dont dépend largement l’humanité », qu’ils contribuent largement à la pollinisation et la reproduction des plantes, qu’ils constituent un maillon essentiel dans la chaîne alimentaire en nourrissant de nombreux vertébrés, ainsi que l’indique l’OPECST dans sa note de 2021, et que « le déclin des pollinisateurs représente une menace (...) pour le bien-être humain », comme l’a relevé la Commission européenne dans sa communication du 24 janvier 2023 relative au pacte en faveur des pollinisateurs.

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21. D’autre part, il résulte du rapport d’information parlementaire sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques du 4 avril 2018 produit par les associations requérantes, que « la population exposée, directement ou indirectement, aux produits phytopharmaceutiques n’est pas négligeable », l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) estimant qu’un million de personnes y sont potentiellement exposées à titre professionnel en France et la mutuelle sociale agricole (MSA) ayant déclaré que 10 % des salariés agricoles étaient exposés à des produits chimiques cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Selon un rapport de l’INSERM de 2021 intitulé « Pesticides et effets sur la santé », il existe une présomption de lien entre une exposition aux produits phytopharmaceutiques et de nombreuses pathologies, qualifiée de forte en ce qui concerne les lymphomes non hodgkiniens, le myélome multiple, le cancer de la prostate, la maladie de Parkinson, les troubles cognitifs, la bronchopneumopathie chronique et la bronchite chronique et moyenne pour la maladie d’Alzheimer, les troubles anxiodépressifs, certains cancers, l’asthme, les sifflements respiratoires et les pathologies thyroïdiennes.

22. Il en résulte que l’atteinte non négligeable aux bénéfices tirés par l’homme de l’environnement invoquée par les associations requérantes doit être regardée comme établie.

23. Si le ministre de l’agriculture et le syndicat Phyteis font valoir que la contamination des eaux et des sols, le déclin de la biodiversité et la détérioration des chaînes trophiques ont d’autres causes que le seul usage des produits phytopharmaceutiques, telles que la pollution domestique et industrielle, la destruction des habitats naturels, la présence d’espèces envahissantes ou les évolutions liées au changement climatique, il n’en résulte pas moins de ce qui a été dit ci-dessus que l’utilisation des produits phytopharmaceutiques est responsable d’une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement.

24. Il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes établissent l’existence d’un préjudice écologique, au sens de l’article 1247 du code civil, résultant de l’usage des produits phytopharmaceutiques.

Sur la responsabilité de l’Etat :

En ce qui concerne les manquements de l’ANSES dans la procédure d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques :

25. D’une part, il résulte des dispositions du règlement susvisé (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques que la commercialisation et l’utilisation de tels produits, sur le territoire d’un Etat membre de l’Union européenne, n’est possible qu’après approbation des substances actives, phytoproterceurs et synergistes qu’ils contiennent par la Commission européenne, et après autorisation de mise sur le marché et d’utilisation du produit lui-même par l’autorité compétente de l’Etat membre concerné. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 4, de ce règlement : « 4. Les dispositions du présent règlement se fondent sur le principe de précaution afin d’éviter que des substances actives ou des produits mis sur le marché ne portent atteinte à la santé humaine et animale ou à l’environnement. En particulier, les États membres ne sont pas empêchés d’appliquer le principe de précaution lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur leur territoire ». Le 1. de l’article 29 de ce règlement énumère les exigences auxquelles le produit phytopharmaceutique doit nécessairement satisfaire pour pouvoir faire l’objet, de la part d’un Etat membre, d’une autorisation de mise sur le marché, au nombre desquelles figure, par renvoi opéré par le e) au paragraphe 3 de l’article 4 du même règlement, le fait, dans des conditions réalistes d’utilisation et selon ce qui est prévisible eu égard à l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, de « ne pas avoir d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, y compris les groupes vulnérables (...) directement ou par l’intermédiaire de l’eau potable (...), des denrées alimentaires (...) ou de l’air, ou d’effets sur le lieu de travail ou d’autres effets indirects, compte tenu des effets cumulés et synergiques connus lorsque les méthodes d’évaluation scientifiques de ces effets sont disponibles (...) ». Le 6. de l’article 29 prévoit que « des principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques » sont définis par la Commission dans des règlements adoptés selon la procédure consultative organisée par le même règlement. L’article 33 du règlement n° 1107/2009 précise la composition de la demande d’autorisation de mise sur le marché du produit ainsi que les éléments devant être joints à celle-ci, notamment un dossier complet et un dossier récapitulatif pour chaque point des exigences en matière de données applicables au produit phytopharmaceutique, ainsi qu’à la substance active, au phytoprotecteur et au synergiste. L’article 36 prévoit que : « L’État membre examinant la demande procède à une évaluation indépendante, objective et transparente, à la lumière des connaissances scientifiques et techniques actuelles en utilisant les documents d’orientation disponibles au moment de la demande » et le 1. de l’article 37 permet aux Etats membres, lors de l’examen de la demande et si besoin, de solliciter du demandeur la fourniture d’informations complémentaires.

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26. L’annexe du règlement (UE) n° 546/2011 de la Commission du 10 juin 2011 portant application du règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les principes uniformes d'évaluation et d'autorisation des produits phytopharmaceutiques définit au paragraphe 2.5.2 les principes et conditions d’évaluation de l’impact sur les espèces non ciblées. L’annexe du règlement (UE) n° 284/2013 de la Commission du 1er mars 2013 établissant les exigences en matière de données applicables aux produits phytopharmaceutiques, conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, prévoit, au titre des conditions devant être respectées par les informations fournies que « 1.2. Toute information, notamment toute donnée connu sur les effets potentiellement nocifs du produit phytopharmaceutique sur la santé humaine et animale ou sur les eaux souterraines, doit être incluse, ainsi que les effets cumulés et synergiques connus et prévus » et que « 1.12. Les informations fournies pour le produit phytopharmaceutique et pour la substance active doivent être suffisantes pour : (...) c) permettre d’évaluer les risques à court et long terme pour les espèces, populations, communautés et processus non ciblés ; (...). »

27. D’autre part, l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit : « Les conditions dans lesquelles la mise sur le marché et l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et des adjuvants vendus seuls ou en mélange et leur expérimentation sont autorisées, ainsi que les conditions selon lesquelles sont approuvés les substances actives, les coformulants, les phytoprotecteurs et les synergistes contenus dans ces produits, sont définies par le règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 (...) et par les dispositions du présent chapitre ». Aux termes de l’article R. 253-5 de ce code : « Les décisions relatives aux demandes d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et des adjuvants vendus seuls ou en mélange ainsi qu'aux demandes de modification, de renouvellement ou de retrait de cette autorisation sont prises par le directeur général de l'Agence. Sauf dispositions particulières prévues au présent chapitre, ces décisions sont précédées d'une évaluation conduite par l'Agence conformément aux principes uniformes d'évaluation et d'autorisation mentionnés au paragraphe 6 de l'article 29 du règlement (CE) n° 1107/2009 et, pour les demandes relatives aux produits phytopharmaceutiques composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés, également après l'accord du ministre chargé de l'environnement. La période d'autorisation d'un adjuvant, définie dans l'autorisation, n'excède pas dix ans. Ces décisions peuvent être retirées ou modifiées dans les conditions prévues aux articles 44 à 46 et à l'article 51 du même règlement, le cas échéant, après l'évaluation par l'Agence des risques et des bénéfices pour la santé publique et l'environnement que présente le produit, notamment en cas de constatations de non-conformité, laissant supposer que tout ou partie des produits phytopharmaceutiques mis sur le marché ne remplissent pas les conditions fixées dans l'autorisation de mise sur le marché ou sont susceptibles de présenter un risque pour la santé publique ou pour l'environnement. Lorsque le directeur général de l'Agence transmet l'information mentionnée au troisième alinéa du paragraphe 3 de l'article 36 et au paragraphe 4 de l'article 44 de ce règlement, il en adresse une copie au ministre chargé de l'agriculture. Le ministre chargé de l'agriculture peut préciser, par arrêté, des modalités d'application des principes uniformes d'évaluation et d'autorisation des produits phytopharmaceutiques. ». L’article R. 253-10-1 du même code permet à l’ANSES d’exiger du demandeur, au cours de l’évaluation du produit, qu'il lui fournisse des éléments complémentaires dans les conditions prévues aux articles 33, 37, 52 et 65 du règlement (CE) n° 1107/2009.

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28. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que le règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 opère une entière harmonisation des règles s’agissant tant de la procédure d’évaluation que des informations devant être transmises dans le cadre d’une demande d’approbation d’une substance active ou d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique. Il en résulte que les Etats membres ne peuvent édicter d’autres règles que celles prévues by the règlement européen et que les associations requérantes ne peuvent utilement se prévaloir d’une insuffisance des textes de droit interne en la matière.

29. En deuxième lieu, dans son arrêt Blaise e. a du 1er octobre 2019 (aff. C-616/17), la Cour de Justice de l’Union européenne a jugé que le principe de précaution, garanti par le droit de l’Union européenne et rappelé à l’article 1er, paragraphe 4 précité du règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 qui assure une protection au moins équivalente à celle découlant du principe de précaution tel que garanti par l’article 5 de la Charte de l’environnement invoqué par les associations requérantes, impose aux Etats membres de procéder à « une évaluation globale fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que les résultats les plus récents de la recherche internationale ». Dans son arrêt Pesticide Action Network Europe du 25 avril 2024 (aff. C-308/22), la Cour a précisé que si l’article 36 du règlement fait référence à l’utilisation des documents d’orientation adoptés par la Commission européenne disponibles au moment de la demande, il ne saurait en être déduit que les Etats membres doivent se limiter à fonder leur évaluation des risques sur les seuls documents d’orientation disponibles, lorsqu’ils estiment que ces documents ne reflètent pas suffisamment l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques.

30. Les associations requérantes soutiennent que la procédure d’évaluation des produits phytopharmaceutiques mise en œuvre par l’ANSES, en ce qu’elle s’appuie uniquement sur les documents d’orientation adoptés par la Commission qui s’avèrent souvent obsolètes en raison des délais induits par la complexité de leur procédure de mise à jour, conduit à une évaluation des demandes d’autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques non conforme à l’état actuel des connaissances scientifiques, en méconnaissance des exigences posées par le règlement (CE) n° 1107/2009 du 21 octobre 2009 en matière d’évaluation et en particulier du principe de précaution. Elles font notamment valoir que ces évaluations conduisent à une sous-estimation des effets chroniques et sublétaux de ces substances, de leurs effets indirects ou de leurs interactions, ou encore de leurs conséquences sur les espèces non ciblées.

31. D’une part, les associations requérantes se prévalent à cet égard d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du Commissariat général à l’environnement et au développement durable (CGEDD) de 2017 qui estime que, dans le cadre de la procédure d’évaluation mise en œuvre par l’ANSES, « chaque produit est évalué séparément pour chaque utilisation agronomique », bien qu’un sol puisse être exposé à plusieurs produits conjointement, ce qui fait obstacle à la juste évaluation des effets dits cocktail, ainsi que du rapport conjoint de l’INRAE et l’IFREMER de 2022 cité aux points 14 et 16 selon lequel : « les effets dits indirects ou les interactions entre les niveaux trophiques de différents groupes d’organismes ne sont pas du tout pris en compte dans le cadre des évaluations conduites par l’ANSES, qui traite séparément les effets d’un pesticide sur chaque groupe d’organismes (plantes, arthropodes, oiseaux), et qui se limite aux effets directs ». L’avis du conseil scientifique de l’ANSES publié le 10 mars 2023 souligne l’important décalage temporel existant entre l’évolution des connaissances scientifiques et l’adoption des documents-guide actualisés au niveau européen. De même, les plans ministériels Ecophyto II + et Stratégie Ecophyto respectivement publiés en 2019 and 2024 comportent un axe tendant à l’amélioration du cadre d’évaluation des risques sur la biodiversité et les chaines trophiques associées, et indiquent que la France portera plusieurs propositions au niveau européen visant en particulier à une meilleure prise en compte des effets cocktails dans les méthodologies d’évaluation.

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32. D’autre part, dans son courrier du 29 février 2024 adressé à l’association Pollinis en réponse à la demande d’information de cette dernière sur les méthodes d’évaluation des risques environnementaux des produits phytopharmaceutiques, l’ANSES indique que les conclusions de ses évaluations sont établies au regard des documents d’orientation en vigueur ou ayant fait l’objet de recommandations ou des notes d’information émises par l’agence elle-même. Toutefois, d’une part, il résulte de l’avis du conseil scientifique de l’ANSES précité qu’il recommande à l’agence de ne pas limiter l’évaluation des risques à une expertise restreinte aux documents d’orientation et de tenir compte des connaissances scientifiques les plus récentes. D’autre part, il résulte de l’instruction que dans le cas mis en avant par les associations requérantes de l’évaluation des effets des produits phytopharmaceutiques sur les abeilles, si l’ANSES estime que le document d’orientation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) de 2013, qui n’a pas été adopté par la Commission européenne mais correspond à un état plus avancé des connaissances scientifiques en particulier en ce qui concerne les essais de toxicité chronique et sur le développement larvaire, par rapport au document d’orientation de l’EFSA publié en 2002 et adopté by the Commission, constitue la méthodologie la plus adaptée, elle se borne à en recommander l’usage pour conduire les évaluations, ainsi qu’il résulte notamment de sa note d’information du 21 mars 2022 sur l’évaluation des risques pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs pour les produits phytopharmaceutiques et leurs adjuvants. Ainsi, il résulte de l’instruction que l’ANSES ne fonde pas systématiquement son évaluation des risques sur les données scientifiques disponibles les plus récentes.

33. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que pour l’évaluation de certains produits phytopharmaceutiques l’ANSES ait validé le recours à la méthodologie correspondant au document d’orientation de l’EFSA 2013 proposé par le demandeur, n’est pas de nature à établir que cette agence en aurait imposé l’utilisation systématique.

34. Par suite et sans qu’il soit besoin de saisir la Cour de Justice de l’Union européenne de questions préjudicielles, les associations requérantes sont fondées à soutenir que s’agissant en particulier des effets que font courir les pesticides sur les espèces non-ciblées, l’ANSES ne peut être regardée comme assurant une mise en œuvre satisfaisante du règlement européen, tel qu’interprété par la Cour de Justice, dans le respect du principe du précaution.

En ce qui concerne la faute de l’Etat tirée de la méconnaissance des objectifs en matière de réduction de l’usage de produits phytopharmaceutiques :

35. En premier lieu, les associations requérantes se prévalent de l’article 31 de la loi susvisée du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, aux termes duquel : « L’objectif est, d’une part, de retirer du marché, en tenant compte des substances actives autorisées au niveau européen, les produits phytopharmaceutiques contenant les quarante substances les plus préoccupantes en fonction de leur substituabilité et de leur dangerosité pour l’homme, trente au plus tard en 2009, dix d’ici à la fin 2010, et, d’autre part, de diminuer de 50 % d’ici à 2012 ceux contenant des substances préoccupantes pour lesquels il n’existe pas de produits ni de pratiques de substitution techniquement et économiquement viables. De manière générale, l’objectif est de réduire de moitié les usages des produits phytopharmaceutiques et des biocides en dix ans en accélérant la diffusion de méthodes alternatives, sous réserve de leur mise au point, et en facilitant les procédures d’autorisation de mise sur le marché des préparations naturelles peu préoccupantes ». Toutefois, ces dispositions qui sont contenues dans une loi de programmation et se bornent à fixer des objectifs généraux à l’action de l’Etat, sont dépourvues de portée normative.

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36. En second lieu, d’une part, aux termes de l’article 4 de la directive susvisée 2009/128/CE du 21 octobre 2009 : « 1. Les États membres adoptent des plans d’action nationaux pour fixer leurs objectifs quantitatifs, leurs cibles, leurs mesures et leurs calendriers en vue de réduire les risques et les effets de l’utilisation des pesticides sur la santé humaine et l’environnement et d’encourager l’élaboration et l’introduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et de méthodes ou de techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à l’égard de l’utilisation des pesticides. Ces objectifs peuvent relever de différents sujets de préoccupation, par exemple la protection des travailleurs, la protection de l’environnement, les résidus, le recours à des techniques particulières ou l’utilisation sur certaines cultures. Les plans d’action nationaux comprennent aussi des indicateurs destinés à surveiller l’utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives particulièrement préoccupantes, notamment quand il existe des solutions de substitution. Les États membres prêtent particulièrement attention aux produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives autorisées conformément à la directive 91/414/CEE du Conseil du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques qui, lorsqu’elles sont soumises au renouvellement de cette autorisation au titre de règlement (CE) no 1107/2009, ne satisferont pas aux critères d’autorisation figurant à l’annexe II, points 3.6 à 3.8, dudit règlement. Ils établissent également, sur la base de ces indicateurs et compte tenu, le cas échéant, des objectifs de réduction du risque ou de l’utilisation déjà atteints avant l’application de la présente directive, des calendriers et des objectifs pour la réduction de l’utilisation, notamment si la réduction de l’utilisation est un moyen approprié d’obtenir une réduction du risque quant aux éléments définis comme prioritaires selon l’article 15, paragraphe 2, point c). Ces objectifs peuvent être intermédiaires ou finaux. Les États membres emploient tous les moyens nécessaires conçues pour atteindre ces objectifs. (…) ».

37. D’autre part, aux termes de l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime, transposant la directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009 : «Un plan d'action national fixe les objectifs quantitatifs, les cibles, les mesures et calendriers en vue de réduire les risques et les effets de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur la santé humaine et l'environnement, les mesures de mobilisation de la recherche en vue de développer des solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques et les mesures encourageant l'élaboration et l'introduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et les méthodes ou techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à l’égard de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Il comprend des indicateurs de suivi des objectifs fixés. (...) ». Pour l’application de ces dispositions, le Gouvernement a adopté successivement en 2009 le plan « Ecophyto 2018 », en 2015 le plan « Ecophyto II », modifié en 2018 par le plan « Ecophyto II + » et la « Stratégie Ecophyto 2030 », le 6 mai 2024.

38. Aux termes des dispositions précitées of the directive du 21 octobre 2009, les Etats membres disposent d’une certaine latitude dans la détermination du contenu des plans d’action nationaux qu’elle prévoit, en particulier quant à la détermination des objectifs quantitatifs qu’ils doivent comporter. Par suite, il ne résulte pas de l’article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime, interprété conformément aux objectifs de la directive, que le législateur ait entendu donner une portée contraignante au plan d’action national. Dès lors, si les associations requérantes soutiennent, sans être contredites, que l’Etat n’a atteint ni l’objectif intermédiaire de diminution de 25% en 2020 ni l’objectif final de diminution de 50 % en 2025 du recours aux produits phytopharmaceutiques aux plans d’action nationaux successifs « Ecophyto », les objectifs fixés dans de tels plans ne comportent pas de caractère normatif. En tout état de cause, la « Stratégie Ecophyto 2030 », qui constitue la dernière version du plan d’action national reporte à 2030 l’objectif de réduction de 50 % du recours aux produits phytopharmaceutiques par rapport à la moyenne triennale 2011-2013.

39. Il résulte de ce qui précède qu’aucune faute tirée de la méconnaissance par l’Etat des objectifs chiffrés de réduction de l’usage de produits phytopharmaceutiques contenus dans les textes précités ne saurait être retenue.

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En ce qui concerne le manquement de l’Etat aux obligations relatives aux eaux souterraines et de surface contre les incidences des pesticides et d’amélioration de l’état chimique des masses d’eau :

40. Les associations requérantes soutiennent que les données publiées en 2020 par le ministère de l’écologie qui relèvent la présence de pesticides dans la plupart des cours d’eau et les eaux souterraines établissent que l’Etat n’a pas pris les mesures nécessaires et suffisantes pour protéger les eaux souterraines et de surface contre la pollution par les pesticides et en améliorer l’état, en méconnaissance des obligations découlant de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau et de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable et des textes pris pour leur application.

41. En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article 4 de la directive susvisée 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau : « 1. En rending opérationnels les programmes de mesures prévus dans le plan de gestion du district hydrographique : a) pour ce qui concerne les eaux de surface : i) les États membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration de l'état de toutes les masses d'eau de surface, sous réserve de l'application des paragraphes 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 ; ii) les États membres protègent, améliorent et restaurent toutes les masses d'eau de surface, sous réserve de l'application du point iii) en ce qui concerne les masses d'eau artificielles et fortement modifiées afin de parvenir à un bon état des eaux de surface au plus tard quinze ans après la date d'entrée en vigueur de la présente directive, conformément aux dispositions de l'annexe V, sous réserve de l'application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l'application des paragraphes 5, 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 ; (...) / b) pour ce qui concerne les eaux souterraines : i) les États membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour prévenir ou limiter le rejet de polluants dans les eaux souterraines et pour prévenir la détérioration de l'état de toutes les masses d'eau souterraines, sous réserve de l'application des paragraphes 6 and 7 et sans préjudice du paragraphe 8 et sous réserve de l'application de l'article 11, paragraphe 3, point j) ; ii) les États membres protègent, améliorent et restaurent toutes les masses d'eau souterraines, assurent un équilibre entre les captages et le renouvellement des eaux souterraines afin d'obtenir un bon état des masses d'eau souterraines, conformément aux dispositions de l'annexe V, au plus tard quinze ans après la date d'entrée en vigueur de la présente directive, sous réserve de l'application des reports déterminés conformément au paragraphe 4 et de l'application des paragraphes 5, 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8 et sous réserve de l'application de l'article 11, paragraphe 3, point j) ; iii) les États membres mettent en œuvre les mesures nécessaires pour inverser toute tendance à la hausse, significative et durable, de la concentration de tout polluant résultant de l'impact de l'activité humaine afin de réduire progressivement la pollution des eaux souterraines. (...) 5. Les États membres peuvent viser à réaliser des objectifs environnementaux moins stricts que ceux fixés au paragraphe 1, pour certaines masses d'eau spécifiques, lorsque celles-ci sont tellement touchées par l'activité humaine, déterminée conformément à l'article 5, paragraphe 1, ou que leur condition naturelle est telle que la réalisation de ces objectifs serait impossible ou d'un coût disproportionné (...) ».

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42. D’autre part, aux termes de l’article L. 211-1 du code de l’environnement qui transpose cette directive : « I. - Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : (...) 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération ; ». Aux termes de l’article L. 212-1 du même code : « (...) III. – Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux fixant les objectifs visés au IV du présent article et les orientations permettant de satisfaire aux principes prévus aux articles L. 211-1 et L. 430-1. (...) IV. – Les objectifs de qualité et de quantité des eaux que fixent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux correspondent : 1° Pour les eaux de surface, à l'exception des masses d'eau artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines, à un bon état écologique et chimique ; 2° Pour les masses d'eau de surface artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines, à un bon potentiel écologique et à un bon état chimique ; 3° Pour les masses d'eau souterraines, à un bon état chimique et à un équilibre entre les prélèvements et la capacité de renouvellement de chacune d'entre elles ; 4° A la prévention de la détérioration de la qualité des eaux ; (...) V. – Les objectifs mentionnés au IV doivent être atteints au plus tard le 22 décembre 2015. Toutefois, s'il apparaît que, pour des raisons techniques, financières ou tenant aux conditions naturelles, les objectifs mentionnés aux 1°, 2° et 3° du IV ne peuvent être atteints avant cette date, le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux peut fixer des échéances plus lointaines, en les motivant, à condition que l'état de la masse d'eau concernée ne se détériore pas davantage. Les reports dinsi opérés ne peuvent excéder la période correspondant à deux mises à jour du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, sauf dans les cas où les conditions naturelles sont telles que les objectifs ne peuvent être réalisés dans ce délai. Aux termes de l’article R. 212-13 du même code : « Pour l'application du 4° du IV de l'article L. 212-1, la prévention de la détérioration de la qualité des eaux consiste à faire en sorte que : – pour l'état écologique et le potentiel écologique des eaux de surface, aucun des éléments de qualité caractérisant cet état ou ce potentiel ne soit dans un état correspondant à une classe inférieure à celle qui le caractéristait antérieurement ; – pour l'état chimique des eaux de surface, les concentrations en polluants ne dépassent pas les normes de qualité environnementale lorsqu'elles ne les dépassaient pas antérieurement ; – pour l'état des eaux souterraines, aucune des masses d'eau du bassin ou groupement de bassins ne soit dans un état correspondant à un classement inférieur à celui qui la caractéristait antérieurement. (...) ». Aux termes de l’article R. 212-15 de ce code : « I.-Pour l'application du V de l'article L. 212-1, les reports d'échéances pour la réalisation des objectifs mentionnés aux 1° à 3° du IV, prévus par le schéma directeur d'aménagement et de gestion, peuvent être justifiés notamment par : 1° Les délais prévisibles pour la réalisation des travaux et la réception des ouvrages, y compris les délais des procédures administratives d'enquête préalable, de financement et de dévolution des travaux ; 2° Les incidences du coût des travaux sur le prix de l'eau et sur les activités économiques, comparées à la valeur économique des bénéfices environnementaux et autres avantages escomptés ; 3° Les délais de transfert des pollutions dans les sols et les masses d'eau et le temps nécessaire au renouvellement de l'eau. (...) ». Enfin, aux termes de l’article R. 212-16 du code de l’environnement : « I. - Le recours aux dérogations prévues au VI de l'article L. 212-1 n'est admis qu'à la condition : 1° Que les besoins auxquels répond l'activité humaine affecting l'état de masses d'eau ne puissent être assurés par d'autres moyens ayant de meilleurs effets environnementaux ou susceptibles d'être mis en œuvre pour un coût non disproportionné ; 2° Que les dérogations aux objectifs soient strictement limitées à ce qui est rendu nécessaire par la nature des activités humaines ou de la pollution ; 3° Que ces dérogations ne produisent aucune autre détérioration de l'état des masses d'eau. (...) ».

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43. Les associations requérantes font valoir que les objectifs de prévention de la détérioration de l'état de toutes les masses d'eau de surface et souterraines et de protection, d’amélioration et de restauration de ces masses d'eau afin de parvenir à un bon état au plus tard quinze ans après la date d'entrée en vigueur de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 ne sont pas respectés, la part des masses d’eau de surface en bon état chimique ayant diminué entre 2009 et 2015 and la part des masses d’eau souterraine en bon état chimique ayant stagné sur la même période. Toutefois, ainsi que le fait valoir le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, il ne ressort pas du document de travail de la Commission européenne relatif aux plans de gestion de district hydrographique en France que l’Etat ne respecterait pas les conditions lui permettant d’avoir recours à des dérogations permettant le report des délais fixés, conformément aux dispositions du V de l’article L. 212-1 du code de l’environnement citées ci-dessus. De plus, il ressort de ce même document que l’Etat a mis en œuvre la recommandation de la Commission européenne s’agissant des dérogations « objectifs moins stricts » prévues à l’article 4 de la directive du 23 octobre 2000 en justifiant le recours à ces dérogations par le coût disproportionné qui résulterait du respect des objectifs initiaux. Dans ces conditions, et alors que les associations requérantes n’établissent ni que ces dérogations ne seraient pas suffisamment motivées ni qu’elles ne répondraient pas aux critères fixés à l’article L. 212-1 et précisés aux articles R. 212-15 et R. 212-16 du code de l’environnement, la faute ainsi reprochée à l’Etat ne peut être regardée comme établie.

44. En second lieu, d’une part, aux termes de l’article 11 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable : « Les États membres font en sorte que des mesures appropriées soient adoptées pour protéger le milieu aquatique et l’alimentation en eau potable contre l’incidence des pesticides. Ces mesures soutiennent les dispositions pertinentes de la directive 2000/60/CE et du règlement (CE) n°1107/2009 et sont compatibles avec celles-ci ».

45. D’autre part, aux termes de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime transposant cette directive : « I.- Sans préjudice des missions confiées à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail et des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, l'autorité administrative peut, dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement, prendre toute mesure d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du présent code et des semences traitées par ces produits. Elle en informe sans délai le directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. L'autorité administrative peut interdire ou encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières, et notamment : (...) 2° Les zones protégées mentionnées à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ; ».

46. Les associations requérantes font valoir qu’en 2018, selon les derniers chiffres clés du ministère de la transition écologique, près de 80% des 2 340 points de mesure des réseaux de surveillance de la qualité des eaux souterraines étaient concernés par la présence d’au moins un pesticide et que selon le site du gouvernement intitulé « Rapport de l’environnement en France » en 2017, 29 des 55 bassins versants montraient plus de 80% de points de mesure avec des échantillons de niveau de risque écotoxique inacceptable (supérieur à 1). Elles soutiennent que cette pollution des masses d’eau de surface et souterraines par les pesticides témoigne nécessairement de l’insuffisance de mesures prises par l’Etat, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article 11 de la directive 2009/128/CE et de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime. Toutefois, la carence fautive de l’Etat ne saurait se déduire de ce seul constat. En outre, si les associations soutiennent que cette pollution témoigne également que la procédure de mise sur le marché des pesticides ne garantit pas une évaluation correcte des risques pour la contamination des eaux de surface et des eaux souterraines, le ministre de l’agriculture fait valoir que l’évaluation des produits phytopharmaceutiques dans le cadre des autorisations de mise sur le marché conduite par l’ANSES comprend une étude de la possibilité que ces produits entrent en contact avec les eaux de surface et souterraines dans les conditions d’utilisation proposées, qui peut conduire à un refus au motif que les données disponibles ne permettent pas d’exclure un risque inacceptable de contamination des eaux souterraines comme dans le cas du produit SIMULE en octobre 2021. Il en résulte que la faute tirée de la violation des dispositions de l’article 11 de la 2009/128/CE directive et des dispositions précitées de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime n’est pas suffisamment établie dans le cadre de la présente instance.

47. Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun manquement de l’Etat aux obligations relatives aux eaux souterraines et de surface contre les incidences des pesticides et d’amélioration de l’état chimique des masses d’eau, découlant des directives 2000/60/CE du 23 octobre 2000 et 2009/128/CE du 21 octobre 2009 du Parlement européen et du Conseil, ne peut être retenu.

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Sur le lien de causalité :

48. Une faute commise par l'administration est, en principe, susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.

49. Les carences de l'Etat dans l'évaluation des risques présentés par les produits phytopharmaceutiques dans la procédure d'autorisation de mise sur le marché ont conduit à des autorisations, même temporaires, délivrées à tort ou sans être assorties des prescriptions ou restrictions d'utilisation de ces produits qui auraient été nécessaires. Dès lors, même si elles ne sont not, par elles-mêmes, à l'origine du préjudice écologique résultant des produits phytopharmaceutiques, qui a une origine multifactorielle, ces carences ont nécessairement eu pour effet de contribuer à son aggravation. Par suite, de tels manquements, qui sont en lien de causalité suffisamment direct avec cette dernière, sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

Sur la réparation du préjudice écologique et les mesures à prescrire :

50. Aux termes de l'article 1249 du code civil : « La réparation du préjudice écologique s'effectue par priorité en nature. En cas d'impossibilité de droit ou de fait ou d'insuffisance des mesures de réparation, le juge condamne le responsable à verser des dommages et intérêts, affectés à la réparation de l'environnement, au demandeur ou, si celui-ci ne peut prendre les mesures utiles à cette fin, à l'Etat (...) ». Aux termes de l'article 1252 du même code : « Indépendamment de la réparation du préjudice écologique, le juge, saisi d'une demande en ce sens par une personne mentionnée à l'article 1248, peut prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou faire cesser le dommage. ».

51. D'une part, si les associations appelantes demandent, sur le fondement de l'article 1249 du code civil, la réparation du préjudice écologique résultant de la faute tirée des carences de l'Etat dans l'évaluation des risques dans la procédure d'autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, elles ne détaillent pas les mesures à mettre en œuvre pour opérer cette réparation en nature, ni même ne chiffrent le montant des dommages et intérêts affectés à cette réparation en cas d'impossibilité de droit ou de fait d'une réparation en nature. Ces conclusions ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

52. D'autre part, en revanche, il y a lieu d'enjoindre à l'Etat, sur le fondement de l'article 1252 du code civil, de mettre en œuvre une évaluation des risques présentés par les produits phytopharmaceutiques à la lumière du dernier état des connaissances scientifiques, notamment en ce qui concerne les espèces non-ciblées, conforme aux exigences du règlement européen du 21 octobre 2009, et de procéder, le cas échéant, au réexamen des autorisations de mises sur le marché déjà délivrées et pour lesquelles la méthodologie d'évaluation n'aurait pas été conforme à ces exigences, et ce dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt. A cette fin, l'Etat adressera à la Cour un calendrier prévisionnel de réexamen des autorisations de mises sur le marché concernées élaboré par l'ANSES dans les six mois suivants la mise à disposition de cet arrêt.

Sur la réparation du préjudice moral :

53. Les associations requérantes peuvent prétendre à la réparation du préjudice moral résultant pour elles de la carence de l'Etat dans l'évaluation des risques présentés par les produits phytopharmaceutiques dans le cadre de la procédure d'autorisation de mise sur le marché, telle que décrite au point à 34 du présent arrêt, sous réserve de démontrer le caractère personnel d’un tel préjudice.

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54. Les associations requérantes font valoir que cette carence de l’Etat porte atteinte aux intérêts environnementaux qu’elles défendent et que le caractère personnel de leur préjudice est démontré par les actions qu’elles ont conduites pour dénoncer les effets des pesticides sur l’environnement, telles que la publication de rapports, d’études, de pétitions, de campagnes d’information ou de sensibilisation auprès du public ou d’interpellation des institutions. Le caractère personnel de leur préjudice doit être en l’espèce regardé comme établi. Il y a lieu en conséquence de condamner l’Etat à verser aux associations Notre Affaire à Tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, l’ANPER-TOS et l’ASPAS la somme d’un euro symbolique chacune, au titre de la réparation de leur préjudice moral.

Sur les frais liés au litige :

55. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, partie perdante à titre principal dans la présente instance, d’une part, la somme globale de 1 500 euros à verser aux associations Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds et ASPAS et, d’autre part, la somme globale de 1 500 euros à verser aux associations Pollinis et ANPER-TOS, sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

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D E C I D E :

Article 1er : Les interventions du syndicat professionnel Phyteis sont admises.

Article 2 : Le jugement n° 2200534 du 29 juin 2023 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu’il a enjoint à la Première ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique et prévenir l’aggravation des dommages en rétablissant la cohérence du rythme de diminution de l’utilisation des produits phytosanitaires avec la trajectoire prévue par les plans Ecophyto et en prenant toutes mesures utiles en vue de restaurer et protéger les eaux souterraines contre les incidences des produits phytopharmaceutiques avant le 30 juin 2024 et en tant qu’il a condamné l’État à verser aux associations Notre Affaire à Tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, à l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS) et à l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS) la somme d’un euro chacune en réparation de leur préjudice moral.

Article 3 : Il est enjoint à l’Etat de mettre en œuvre une évaluation des risques présentés par les produits phytopharmaceutiques à la lumière du dernier état des connaissances scientifiques, notamment en ce qui concerne les espèces non-ciblées, conforme aux exigences du règlement européen du 21 octobre 2009 et de procéder, le cas échéant, au réexamen des autorisations de mises sur le marché déjà délivrées et pour lesquelles la méthodologie d’évaluation n’aurait pas été conforme à ces exigences, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt. Il communiquera à la Cour le calendrier prévisionnel de réexamen des autorisations de mises sur le marché concernées élaboré par l’ANSES dans les six mois suivant la mise à disposition du présent arrêt.

Article 4 : L’État versera aux associations Notre Affaire à Tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, ANPER-TOS et ASPAS la somme d’un euro chacune, en réparation de leur préjudice moral.

Article 5 : L’État versera, d’une part, la somme globale de 1 500 euros aux associations Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds et ASPAS et, d’autre part, la somme globale de 1 500 euros aux associations Pollinis et ANPER-TOS sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié aux associations Notre Affaire à Tous, Biodiversité sous nos pieds, l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel (ASPAS), Pollinis, l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières Truite-Ombre-Saumon (ANPER-TOS), au syndicat Phyteis et à la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie pour information en sera adressée à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2025, à laquelle siégeaient :

M. Delage, président,
Mme Julliard, présidente assesseure,
Mme Palis De Koninck, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 septembre 2025.

La rapporteure,
Le président,
Mme JULLIARD
Ph. DELAGE

Le greffier,
E. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.